Notre passage à Saana

Sanaa, la capitale et la plus grande ville du Yémen, est aussi orthographié Sana, Sana'a ou Sanaá.


Notre venue

En 2008, mon mari devait être muté à Sanaa pour reprendre un projet en cours. Nous étions à cette époque encore résident en Éthiopie. Lors d'un week-end prolongé, nous avions décidé de partir à Sanaa pour choisir notre future maison et nous imbiber de cette nouvelle destination.  Un vol rapide avec juste une halte à Djibouti où je revois encore cet aéroport qui semblait perdu au milieu d'un désert de sable, à survoler des épaves de voitures à l'abandon avant de stopper devant le bâtiment principal fleuri. Je me souviens de cette chaleur à l'ouverture des portes de l'avion. Nous étions restés à l'intérieur de l'appareil un peu moins d’une heure, puis reprise du voyage, la traversée de la mer, le Yémen, les montagnes rocheuses et l'arrivée sur Sanaa...
Formalité sans problème surtout que nous avions juste chacun une valisette de cabine. Le collègue de mon mari nous attendait à la sortie de l’aéroport. Lors de la traversée de la ville, nous avons eu quelques explications politiques et conseils, les règles de conduite et  les consignes de sécurité à suivre au quotidien. On sentait une tension sous ébullition. 15 jours auparavant, il y avait eu l'attaque d'un compound où de nombreux expatriés résidaient et l'ambassade américaine visée était sous haute surveillance. Welcome at home ! 


La circulation

Des engins militaires étaient en position d'observation au centre de chaque rond-point, des hommes armés, des troupes d'hommes prêts à bondir à la moindre attaque, d'autres étaient postés le long de la route à surveiller les visages dans l'habitacle des voitures. L'ambiance était électrique ! Mieux valait être dans ses petits souliers et surtout avoir une "gueule" qui leur revienne. Le collègue nous explique que c'est devenu du quotidien et qu'il faut vivre avec en appliquant les consignes de l'ambassade. Bien-sûr on est  en total confiance! 

Mais nous, les occidentaux, nous ne sommes pas dans leur collimateur, ils ne s’intéressent pas vraiment à nous. Les militaires sont là au milieu d'une circulation dense. Les conducteurs filent comme des flèches dans leur bolide, pas toujours en état, en pleine ville, en doublant à gauche et à droite, des queues de poisson par ici! No problème, gardons le "self-control" !!! C'est une conduite au klaxonne. On klaxonne pour tout ou pour rien comme à l’arrêt à un feu ou pour tourner, pour te dire d’accélérer. Je regarde la voiture à coté de la nôtre, et c'est un jeune conducteur, très jeune, puisque c'est un adolescent d'une quinzaine d'année qui tient le volant. Oublier la ceinture, les enfants sont en total liberté dans la voiture, sur les genoux de leur mère, debout au milieu des sièges ou à jouer dans le coffre. Les femmes, voilées derrière leur volant, peuvent elles aussi conduire. Seul les yeux sont visibles. Et le comble c'est que le policier hésite à les arrêter, ne fera pas de contrôle de circulation.
L'état des routes nous surprend par rapport à celles de l’Éthiopie. De grandes voies rapides, de belles routes et les principaux panneaux sont traduits en anglais.

Par contre je me souviens d'avoir été surprise en traversant des quartiers populaires où des enfants jouaient sur un tas de gravas à 100 mètres d'un chien mort sur le bas côté. Hormis ces quelques gamins dans la rue, la ville semble endormie et contrairement aux Emirats, Sanaa est plus sale.  C'était aussi un paradoxe avec Addis Abeba, où des files de personnes marchent le long des rues aux vêtements colorés alors que Sanaa est un dégradé du noir au blanc sans couleur et un monde d'homme.


L'Habitation

En arrivant à la maison, je remarque que les habitations du gardien sont des tourelles se situant à l’extérieur du domicile. Les maisons ont l'air plutôt spacieuses. Que ce soient les maisons des expatriés ou des locaux, elles ont des murs de protection tellement haut que l'on dirait des forteresses et bien-sûr pas d'ouverture sur la rue sauf la porte d’entrée.  Les portails sont sculptés et magnifiques.


Concernant la maison, je n'ai pas noté de problème particulier. Faut dire, venant d’Éthiopie, forcement on n'a plus le même regard sur le confort et les besoins. A mon souvenir, on trouvait facilement les fournitures domestiques de la maison. On a toujours la possibilité de racheter des effets manquants lors des départs définitifs des expatriés car il est de coutume d'organiser la vente des affaires que l'on ne déménage pas. Je me souviens de magnifiques meubles indiens peints et indonésiens, du mobilier de bon goût, des articles de décoration à fabrication artisanale en métaux comme en cuivre, du fer blanc, de l'argent, des bijoux et bien sûr, sans oublier les "mafraj" (dit salon arabe) pour recevoir et fumer la chicha!

Pour indication, dans les pays du Golf, le mafraj est aussi la pièce de réception dotée de matelas aux motifs géométriques et gros coussins assortis à même le sol pour discuter, boire le thé, fumer la chicha, et pour khatter au Yémen.

Toujours dans la logistique de la maison, il faut s'habituer aux coupures d’électricité. Malgré un réseau électrique assez développé, il n'est pas suffisant pour alimenter la demande. Il arrive que PEC (société nationale d’électricité) de pratiquer le délestage de quartiers. Par contre, j ai été surprise de voir cette énorme réserve souterraine d'eau sous la maison. Généralement c'est le gardien qui gère les livraisons régulières d'eau par les camions citernes. Vous vous doutez donc que l'eau stockée dans des tankers (réserve d'eau),souvent installés sur le toit de la maison, est non potable. Donc pour boire, il faudra une fontaine d'eau avec des bonbonnes d'eau(comme aux Emirats ou en Éthiopie  ou des bouteilles. Les locaux boivent la plupart du temps des bidons d'eau stérilisés par ultraviolet. Vous trouverez sur place de la solution de permanganate pour désinfecter les légumes (ou des pastilles Micropur). L'eau au Yémen est un facteur problématique.

Ce qui était drôle, c'était cette sonnerie type sirène qui ressemblait à la police ou les pompiers. C'était le camion de ramassage des ordures qui signalait au gardien de sortir des poubelles.


Les achats

Mais pour moi, la grande découverte a eu lieu au supermarché. Eh oui, la caractéristique d'un Français se traduit par le fait qu'il râle tout le temps mais surtout qu'il a le plaisir de remplir son estomac, et là je suis dans la norme !!!

Les supermarchés  ressemblaient à la "coop" aux Emirats,où tout était écrit en arabe, où personne ne parlait anglais, mais une caverne d'Alibaba pour nous! Nous ne ramènerons pas de jouets pour les enfants mais des yaourts Danone à la vanille, des actimel, du fromage de chèvre, des bonbons "haribo c'est bon la vie...", des biscuits de toutes sortes, enfin une valise remplie de friandises que l'on ne trouvait pas en Éthiopie. On avait halluciné de trouver toutes ces marques qui sont en France d'une grande banalité mais là, pour nous une énorme gourmandise!

Des rayons de jouet, de déguisements et des farces et attrapes, des gadgets rigolos qui faisaient aussi un paradoxe dans ce pays où tout semblait feutré... Sur ce, vous aurez compris que nous avions trouvé les magasins bien achalandés, par rapport à l’Éthiopie et surtout qu'il était impératif d'apprendre l'arabe et de le comprendre pour être à l'aise à l’extérieur.

J'ai définitivement déclaré le café yéménite, mon préféré (le paquet couleur agent). J'adore son goût et son parfum !
Quel plaisir de rentrer dans la boutique de miel, et de goûter cette merveille ! Le meilleur miel du monde (le vert ou celui avec la cire d'abeille, et les autres) Un pur régal !

Je me souviens de ce dessert yéménite très calorique, Bint Al-sahn, un gâteau au miel. Miammm... Pour votre culture, Bint signifie fille et sahn le plat, "la Fille du plat"! Les galettes de pain comme les "nans" (que l on trouve dans les pays du Golf) appelées au Yémen "mulawa". Boire de délicieux jus de fruits frais, pomme, fraise, avocat, banane, ananas et autres et idem pour les glaces. Mais attention à l'eau, il faut toujours vérifier si elle est potable ou non. (valable dans les pays difficiles)

Acheter la viande poulet/ boeuf/ mouton en vente au marché, dans les boucheries, sur les étales du supermarché. Quelques spécialités culinaires tels que des ragoûts mijotés dans des plats de terre cuits à l’étouffé ce qui rend la viande confite. Et enfin le poisson! Oh délicieux poissons que les yéménites cuisinent à merveille. Mon mari m'a souvent raconté que dans les restaurants (qui sont souvent à la décoration type cantine) les locaux mangeaient avec les doigts sur une table recouverte de feuilles de papier journal et au mieux une nappe feuille plastifiée. Sachez que pour un yéménite, le repas sert uniquement à se restaurer rapidement, sans parler et pouvant être ponctué par un rot final. Ce n'est pas un moment convivial comme chez nous.

Apprécier aussi la variété de fruits secs, les dattes fraîches, les pistaches et autres...

Bien-sûr pas de vente d'alcool bien qu'il parait que l'on peut se procurer quelques bières et bouteilles avec des petits arrangements discrets

La Hifi, l'informatique, la TV et décodeur, vous trouviez votre bonheur dans les articles de la technologie. Du vrai ou de l'imitation, à vous de faire votre choix! Juste vous signaler comme aux émirats que les claviers sont à la mode anglaise avec leur spécificité des touches.

On trouvaient à Sanaa des plusieurs souks ou marchés qui proposaient une variété d'articles, tissus, ustensiles, des denrées fruits et légumes, viandes et animaux.

La vielle ville

Voici un des vestiges du Yémen. Comme vous le verrez sur les photos, c'est vraiment  un endroit magique, presque irréel. Si vous effectuez une recherche sur internet, vous trouverez aussi des explications sur l'histoire de la vielle ville. C'est pour moi, un des plus beau site avec Petra en Jordanie.
Difficile de se repérer dans ces ruelles tortueuses qui nous menaient à de nombreuses petites boutiques. Le souk de la vieille ville abritait tous types de marchand : décoration, bijouterie, touristique et des artisans de plusieurs métiers manuels... Des musées et galeries de peinture qui nous avaient permis de se rendre compte de l'architecture de ces maisons hautes et étroites. C'était superbe! Les escaliers étroits, aux marches irrégulières en pierre, nous menaient dans des pièces sombres avec des recoins de partout. A l'époque, il restait peu de maisons à la location et peu d'expatriés pouvaient y habiter.



L'école

L’école laïque Française"René Clément" se trouvait dans une maison type yéménite non loin de l'Ambassade de France et suivait les programmes de l’éducation nationale. Les sections maternelle et primaire étaient assurées par un personnel enseignant. Les classes, en fonction du nombres d'enfants, pouvaient être à 2 niveaux scolaires. concernant le collège, les classes étaient assurées aussi par des enseignants qui enseignaient plusieurs matières. Par contre  les adolescents, peu nombreux au lycée, étudiaient via les cours par le CNED suivis par des précepteurs. Peu d'activités ludiques pour ces adolescents à Sanaa qui tournaient vite en rond.




L’école était subventionnait par l'entreprise Total et sous la tutelle de l'AEFE. Une association de parents actifs prenait à cœur leur rôle. Elle avait fermé ses portes en juillet 2008 suite aux rapatriement des familles. Aujourd'hui, il semble que ce soit du passé, voir le site: http://ecolefrancaisesanaa.com/ 
Vous aviez aussi la possibilité d'inscrire vos enfants à  la Bristish School et l'International School, de langue anglaise, et organisaient aussi des activités extra-scolaires ouvert à tous.

La santé
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Les Us et coutumes

La femme
Forcement je vais commencer par vous parler de la tenue vestimentaire et je pense que c'est toujours d'actualité. Je ne sais pas si aujourd'hui, toutes les femmes doivent se couvrir ou non.

Les femmes et les adolescentes portent l'abaya et un hijab. L'abaya est long manteau en tissu noir qui recouvre ses vêtements et le hijab est un voile intégral qui couvre le cou et les cheveux. Parfois le tenue est complétée par le niqab avec ou sans le hijab. Le principal est que les cheveux soient couverts. Le niqab couvre la bouche et le front pour ne laisser plus paraître que les yeux et le hijab est un voilage devant leur visage.
Pour les femmes expatriées, il est vivement recommandé de porter des vêtements amples, longues jupes ou pantalons évasés et tuniques larges. Si possible, mieux vaut se couvrir les épaules et les bras et bien entendu, à bannir les décolletés plongeants, shorts et débardeurs !
Le mieux est d'avoir un pashmina (large échappe) à portée de main au cas ou vous aurez besoin de vous couvrir les cheveux ou les épaules. Comme le voile n'était pas obligatoire pour les occidentales, ne soyez pas surprise d'être l'attraction, des regards de curiosité surtout si vous êtes banche à la chevelure rousse ou blonde, des taches de rousseur, tout comme nous d'ailleurs envers eux! Aujourd'hui je n'en sais pas si toutes femmes doivent se voiler ou non à Sanaa mais forcement des femmes blanches non voilées attirent toujours l'attention sans agressivité.


Cependant entre les hommes et les femmes, au Yémen, il n’y a pas de toute façon pas d’égalité devant la société et la loi. Ce qui fait souvent la une de l'actualité en Europe. La femme est soumise aux décisions de l'homme que ce soit le père, le mari, le frère ou le fils et vit dans son ombre, la plupart du temps à s'occuper, des enfants, des tâches domestiques et de la logistique à la maison. Très peu sont instruites.

L'homme
Quant' aux hommes, les garçons même les jeunes enfants, ils sont vêtus d'une tunique blanche appelé la dishdash et le keffieh (foulard) et portent au niveau de leur estomac le jambia (janbiya, ou jambia ou djambia). C'est un poignant à lame courte, courbée, avec son étui tenu par une large ceinture. Le jambia prend une connotation plutôt symbolique et revêt un statut privilégié dans la culture yéménite en ce sens qu'elle est un indicateur du statut social de son porteur. Elle est couramment utilisée dans les fêtes traditionnelles yéménites telles que les danses, les mariages ou les cérémonies d'initiation des jeunes garçons. Ce sera certainement le souvenir qui fera parti de vos bagages de départ !

                                                   

La religion
Attention car la religion est un thème sensible qu'il vaut mieux éviter de l'aborder avec un yéménite. Il est préférable de garder vos croyances discrètes. L’islam étant une religion d’État, il doit être respecté à la lettre. Les mosquées sont implantées dans tous les quartiers et la vie se fait au rythme de la voix du mezzin et des prières. Le vendredi est un jour saint, le moment de la prière (équivalent au dimanche en France).

Bien-sûr le ramadan fait parti intégrant de la vie des yéménites. Ne buvez pas, ne mangez pas en public et devant eux lors de la période de ramadan. Respecter les règles instaurés dans le pays. (valable pour tous les pays du Golf).

Le khat, kat, qat

Le khat est le moment convivial pour les yéménites mais aussi une vraie obsession nationale. A partir de 14h, tout le monde katte, du plus petit au plus grand, tous entrain de mâcher ces jeunes feuilles de plante. C'est surprenant de voir cette joue déformée par la "boule de qat" qu'ils conserveront jusqu'à la nuit. La vie économique ralentit au fur et à mesure que la joue augmente. Au Yémen, c'est une "drogue sociale" autorisée et ancrée dans une tradition culturelle et bien souvent toute négociation passe par une partie de khat. C'est un pays consommateur mais aussi production (concurrencé par l’Éthiopie ce qui pose des problèmes sur l'utilisation de l'eau pour l'arrosage des champs de cette plante gourmande.

A lire le site super intéressant de Camille Pelletier et Marie-Ève Payne




Les sites et blogs intéressants
En principe, les armes sont interdit en ville depuis sept 2006 mais fréquemment portés à la ceinture. Et pourtant, le Yémen était un pays sûr si on respectait les consignes de sécurité malgré les attentats et les risques d'enlèvement, sans oublier les piratages maritimes. Ce pays cherchait à établir des contacts diplomatiques avec l'extérieur, à développer ses infrastructures, à unifier les différentes zones tribales qui composent le Yémen, bref en conclusion à vouloir s'ouvrir au monde. Après 2008, les événements géopolitiques se sont accélérés et ont amené les entreprises étrangères à procéder aux rapatriements des familles, puis de leurs salariés et la fermeture de nombreux chantiers. Même l'ambassade et le consulat ont connu des périodes difficiles. Faites-vous connaitre auprès de leur service même pour un déplacement temporaire.

Pour notre part, nous ne nous sommes pas expatriés en famille à Sanaa à cause de l'instabilité du Yémen et par mesure de sécurité. Nous l'avons bien regretté. Mon mari a donc mené le projet en alternance avec celui  en  Ethiopie. Nous avons donc de nouveau emménagé une deuxième fois à Addis Abeba, mon mari a effectué des trajets Éthiopie/Yémen et a continué à nous ramener à chaque déplacement une valise de friandises (yaourts, chocolat, café, miel,biscuits et autres ...)

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